Réf. : IFCAD/DISCOURSNA2024
DISCOURS DU 10 JANVIER 2024
Madame et Messieurs
les Membres du Conseil d’administration,
Mesdames et
Messieurs les Chargés de cours et Professeurs,
Madame et Monsieur
de l’Equipe administrative,
Mesdames et
Messieurs les étudiants,
I. L’état de l’IFCAD
’est la tradition
de se rencontrer et de fêter l’année nouvelle. Comme toute tradition, elle
permet de vivre un moment convivial, de marquer ce moment, de rappeler ce qui
s’est passé au cours de l’année écoulée et d’en tirer différents enseignements.
Cette année nous renouons avec cette tradition qui avait été malheureusement
interrompue en 2021 et 2022, et nous pouvons fêter à nouveau l’année nouvelle
autour d’un verre de bienvenue et d’un petit buffet. C’est pour moi une façon
de vous rencontrer tous et de prendre ainsi le pouls de notre Institut.
En ce qui concerne
le déroulement des formations, l’année 2022-2023, comme l’année en cours, s’inscrivent
dans la continuité de la réforme entreprise en 2013.
Cette nouvelle organisation
est plus efficace, plus performante et permet aux trois sections, soit la Maitrise
en projets, la Maitrise en Administration publique et le Graduat en entreprises,
de mieux se connaitre en suivant des cours communs. Même si le schéma global est
maintenu, deux innovations ont été apportées. Comme nous l’annoncions en 2021,
la formation en Maitrise de projets a été portée à deux ans, soit une année
avec une charge de cours normale et une deuxième année allégée dédiée partiellement
à la préparation et à la rédaction du projet. Cette nouvelle organisation nous
permet de garder le contact avec les étudiants qui préparent leur mémoire. Pour
les fonctionnaires qui n’ont pas un grade de niveau A, un graduat en administration
publique a été créé dont la réussite permet d’accéder à la maitrise en Administration
publique.
Alors que nous
avions accueilli 35 visas pour l’année 2020-2021, nous n’en avIons accueilli
qu’une dizaine en 2021-2022 mais heureusement 26 pour l’année 2022-2023 et 20 pour
l’année 23-24. Quant au nombre d’étudiants, il est passé de 89 en 20-21 à 68 en
21-22, à 57 en 22-23 et à 65 pour cette année. Ce dernier chiffre peut encore
évoluer de quatre ou cinq unités, ce qui aura pour effet d’atteindre notre
effectif moyen.
Nous restons toujours
tributaires de la politique de l’Office des Etrangers dont les décisions sont
parfois surprenantes à l’égard de candidats-étudiants motivés. Par ailleurs,
ses retards nous causent de grandes difficultés dans l’organisation et nous
contraignent à devoir concentrer des cours sur des périodes limitées et à
organiser des mises à niveau pour les étudiants qui arrivent en retard. Tout
cela n’est guère facile, mais l’IFCAD a le sens de l’aboutissement des affaires
et est conscient de l’importance de sa mission.
La section
« Administration publique », qui est une véritable carte de visite
pour notre école, reste très active et nous continuons d’accueillir des
fonctionnaires du Congo-Brazza; nous pouvons ainsi pérenniser les liens
importants qui nous unissent à ce pays depuis une vingtaine d’années. L’IFCAD a
en effet formé plus de 200 cadres qui se retrouvent pour la plupart à des
postes de haute direction. Je me plais à rappeler le rôle important joué par feu
Antoine NGAKOSSO, inspecteur des Finances, dans la promotion de l’IFCAD, rôle repris
par Gilbert MOUKOKO, directeur au ministère de la Fonction publique, qui ne
ménage pas ses efforts pour informer et suivre les candidats-étudiants. Par
ailleurs, afin de renforcer cette coopération, un protocole d’accord portant
sur les exigences de formation et les procédures d’inscription a été signé avec
les ministères des Finances et de la Fonction publique du Congo-Brazza. Enfin,
soulignons également que l’IFCAD dispose depuis peu d’un bureau à Brazzaville
qui nous permet d’assurer une plus grande visibilité et d’accueillir les candidats-étudiants.
Cette année, nous
accueillons en Administration publique une ressortissante de RDC qui travaille
dans l’administration belge. C’est un très bon signe car nous souhaitons que la
Maitrise en Administration publique puisse être le reflet de l’Afrique
francophone et puisse concerner tous ses pays. L’IFCAD doit pouvoir devenir un
centre d’excellence et de rencontre des fonctionnaires africains.
Par ailleurs,
l’administration publique devient un enjeu important et incontournable pour
tous les pays africains en marche vers la démocratie et l’état de droit. Dans la plupart des pays
africains, c’est en effet le fonctionnement des services à la population qui
est pointé du doigt, que ce soit au niveau de la sécurité, du ramassage et du
traitement des déchets ou encore du fonctionnement des réseaux électriques.
La section
« Maitrise en projets », en croissance, reste le moteur de notre
école et correspond à l’objectif de développement que nous défendons
constamment : celui-ci doit être endogène et permettre aux peuples
africains de prendre leur destin en mains avec les yeux ouverts!
Comme vous le
savez, nos étudiants proviennent des nombreux pays de l’Afrique francophone et
principalement du Cameroun, du Congo-Brazza et de la RDC. Mais, parmi nous,
nous comptons également des étudiants du Burkina, de Guinée, de Madagascar, du
Mali, du Maroc, de la Côte d’Ivoire, du Niger, du Burundi, du Rwanda, du Togo,
de Tunisie, du Sénégal et d’Algérie. Le caractère panafricain et francophone de
l’Ifcad est donc une de ses caractéristiques de base et se renforce en se
diversifiant.
Notre Conseil
d’administration a été reconduit pour un nouveau terme de six ans expirant le
31 octobre 2027. Il est cependant renforcé puisque deux nouveaux membres ont
été nommés : Madame Muriel VANDERBEEK et Monsieur Cédric DARTOIS. La
première, ancien professeur de français dans la section langue, est également
chargée du cours de Développement durable et en histoire africaine ;
quant au second, fonctionnaire au SPF Intérieur, il est chargé du cours de
Droits de l’Homme. Avec le président, Bernard CLARINVAL, les administrateurs
Jean-François GOOSSE, Adalbert MULUMBA et l’administrateur délégué, ils sont
chargés de la gestion et du contrôle de notre institut constitué en ASBL.
Cette année, notre
corps professoral est resté stable ; les cours vacants ont été pourvus prioritairement
en interne comme le cours de management qui a été scindé en fonction de
l’objectif privé ou public. Le cours de développement durable a été attribué à
une ancienne formatrice qui avait déjà prodigué son enseignement dans notre
Institut.
Notre équipe
administrative reste toujours aussi motivée : M. E. TCHUESSA a été promu
récemment attaché à la direction et, en cette qualité, supervise l’activité
du secrétariat, assume différentes tâches liées à l’informatique, comme les
cours d’informatique et d’internet, le cybercafé ou l’appui logistique.
Nos efforts pour
renforcer le secrétariat sont cependant restés vains puisque la secrétaire
dont je saluais l’arrivée lors de mon dernier discours en janvier 2023 nous a
quittés après moins de trois mois. Une nouvelle candidate originaire du Burkina
est cependant pressentie.
Qu’il me soit
permis de saluer cette équipe qui fait siennes les préoccupations de l’IFCAD,
qui ne ménage pas ses peines pour accueillir les étudiants, pour
constituer les horaires et pour contribuer à la réussite et au suivi du
projet commun.
Sous l’impulsion de
M. TCHUESSA, notre site s’est modernisé : il est plus attractif et plus
précis et permet une meilleure communication. Par ailleurs, une plateforme
interactive a été mise sur pied qui permet aux professeurs d’intégrer
directement les cotes sur le site sécurisé. La réforme informatique n’est pas
terminée puisqu’une plateforme de communication avec les étudiants est à
l’étude. L’IFCAD ne ménage donc pas ses efforts pour construire une école de 2024,
interconnectée et avec pour horizon le monde.
II. Etat de l’Afrique : décolonisons la pensée
occidentale
Toutefois, comme
nous sommes à l’IFCAD dont l’objectif est le développement en particulier de
l’Afrique, je voudrais faire quelques commentaires sur la situation
géopolitique du continent.
C’est évidemment la
situation en RDC qui requiert notre plus grande attention. Cet immense
pays, qui compte plus
de cent millions d’habitants, est malade depuis des dizaines d’années et ne
se remet ni de la colonisation, ni du régime de MOBUTU. L’insécurité, voire des
guerres larvées font que le régime actuel ne parait contrôler effectivement que
la région autour de Kinshasa. Enfin, le pays est en proie à l’est à une
guérilla brutale manifestement soutenue par deux pays voisins. Cette guerre a
fait depuis une vingtaine d’années peut-être un million de victimes voire plus
mais ne suscite guère l’inquiétude du monde. Il faut croire que les victimes en
Afrique n’ont pas le même poids que celles en Ukraine ou en Palestine.
Ainsi, alors que le
pays est riche en ressources minières et agricoles, les Congolais vivent mal
et souffrent à la limite de la malnutrition ; toutes les missions essentielles
d’un état, qui doit viser la promotion
de l’intérêt général, sont négligées, que ce soit au niveau de la sécurité, de
l’éducation ou des infrastructures de santé sans oublier l’état de
l’administration, très lacunaire et souvent très corrompue,
De nouvelles
élections ont eu lieu fin ’23 : au terme d’un scrutin imparfait, le
président TSHISEKEDI, qui briguait un second mandat a recueilli près de 75%
des suffrages lui permettant ainsi de rester à la tête de l’état. On peut espérer qu’il prendra la
mesure des besoins de la population et qu’il portera sa priorité sur
l’organisation des services indispensables de l’éducation, de la santé et de
la sécurité.
Début de l’année 2013,
c’est le MALI qui a été à la une de l’actualité : l’intervention française
avait permis d’éviter la partition du pays et surtout le chaos avec son
cortège d’exactions et de crimes ; la situation était loin d’être réglée
avec le nord mais elle était stabilisée. On peut donc dire qu’on avait évité le
pire, mais que l’Europe était restée particulièrement frileuse dans cette
affaire, se contentant de déployer des moyens logistiques. Les armées
africaines étaient cependant venues en appui et avaient joué un rôle important
à côté des forces françaises. En 2014, la situation paraissait figée. En 2020,
la situation, déjà très tendue, ne s’était guère améliorée et la réconciliation
entre le nord touareg et le sud était de plus en plus compromise. Par ailleurs,
les pertes françaises (50 militaires depuis 2013) étaient de plus en plus
douloureusement ressenties et risquaient à terme d’entrainer le retrait
français, comme nous l’écrivions en 2021.La situation s’est cependant
précipitée à la suite du coup d’état
et à la volonté des militaires de chasser les Français et les Européens. C’est
de fait ce qui s’est passé en 2022 : l’armée française s’est retirée en
laissant la place aux Russes et au groupe WAGNER, sorte d’armée privée payée
par Moscou. Cela étant, contrairement à ce que nous commentions en 2023, la
situation ne s’est pas détériorée puisque le gouvernement de Bamako parait s’être
imposé et a repris certains territoires aux séparatistes touarègues. Cela ne signifie
pas que le combat est gagné mais cela signifie que des points sont marqués
malgré l’absence des armées occidentales. Par ailleurs, sur les réseaux
sociaux, on ne peut nier qu’un sentiment national fort, peut-être un peu
naïf, se fait jour doublé d’un sentiment très francophobe.
Il serait peut-être
opportun de réfléchir sur les aides de l’Occident aux pays africains. Est-il
bien utile d’imposer à ces états
des standards démocratiques et juridiques européens au risque de provoquer un
rejet. Toutes les initiatives dans ce sens qui ont été menées en Afghanistan,
en Irak se sont soldées par des échecs cuisants. Quand le Mali a appelé à
l’aide, était-il utile, à côté de l’aide militaire dont il avait besoin, de lui
imposer la modification de son système juridique selon des standards conçus
pour l’Europe et de détacher à Bamako différents experts dont certains
connaissaient à peine le français mais étaient spécialisés en droit public européen.
Qu’est-il resté de cette mission ? Rien ! L’Occident devrait
apprendre à décoloniser sa pensée et se limiter à fournir les aides qui lui
sont demandées sans s’immiscer dans la gestion interne des pays. Le soi-disant
devoir d’ingérence ne s’impose pas et reflète une sorte de pensée néocoloniale.
Les différents pays africains ont chacun une histoire qui a forgé leurs coutumes
et leur mode de gouvernement, que cela plaise ou pas ; certes, en cas de
violation manifeste des droits de l’homme ou en cas de massacres de population,
il faut réagir et ne pas fermer les yeux mais la voie diplomatique est là pour
cela.
Par ailleurs, le
Mali, grand comme deux fois la France et peu peuplé, est difficile à contrôler
et la porosité de ses frontières nord, est et sud permet le passage de groupes
terroristes, extrêmement dangereux pour la stabilité du pays et de ses voisins.
A travers la situation au Mali, c’est donc toute la région du Sahel qui est
menacée, voire le nord des pays du golfe de Guinée.
En effet, c’est la
situation dans l’ensemble du Sahel qui parait grave. Après les coups d’état au Mali et au Burkina, c’est
maintenant au tour du Niger de renverser son président pourtant régulièrement
élu. La CEDEAO a condamné le coup d’état
et a agité la menace d’une intervention militaire. Quant à la France, elle
s’est cabrée sur une position colonialiste en voulant à tout prix maintenir son
ambassade à Niamey. Finalement, le bras de fer s’est conclu par le retrait de
la France et la rupture des relations diplomatiques. L’attitude de la France et
de son président a été incompréhensible et s’est inscrite dans le maintien
d’une politique révolue.
La situation est
également très grave en Centrafrique qui est pratiquement en état de guerre
civile depuis plus de dix ans sur fond de conflits ou de rivalités religieux,
ethniques et géographiques ; les populations du nord musulmanes s’opposent
aux populations du sud animistes ou chrétiennes qui détiennent le pouvoir à
Bangui. Par ailleurs, le pays déplore chaque année des massacres de populations
civiles perpétrés par différentes milices et groupes criminels.
Comme on le
constate amèrement, les populations civiles de ces différents pays paient le
prix fort de leur incapacité à maintenir la sécurité et l’ordre public ;
c’est donc de nouveau un problème d’organisation de l’état qui est posé. On peut craindre que certains de ces pays
explosent et que des zones de non-droit y apparaissent sous la direction de
différents groupes politico-criminels.
Le bilan pour
l’Afrique francophone est donc mauvais et on peut craindre que la situation de
plusieurs pays ne se détériore encore dans les prochains mois.
C’est la question
de l’efficacité de l’Etat qui est posée, comme elle est posée également dans de
nombreux pays africains, et qui rend la formation de l’IFCAD aussi importante.
En effet, le développement et la sécurité sont entravés par l’absence d’un Etat
efficace et non corrompu.
C’est également le
fonctionnement de l’Etat de droit qui est au centre des problèmes africains.
Les dirigeants
africains, en voulant s’accrocher à tout prix au pouvoir, en niant les règles
constitutionnelles, en ayant un comportement de prédation, provoquent des
crises destructrices de la démocratie naissante et accréditent l’idée que le
pouvoir en Afrique ne se partage pas et ne se remet pas. Maintenant, ils
doivent faire face à de nouveaux périls pour lesquels ils ne sont pas armés, ni
matériellement, ni psychologiquement.
La démocratie
africaine est aussi très malade et, cette fois, les Européens ou les Américains
ne portent guère de responsabilité. C’est donc aux Africains de prendre la
mesure du problème et de le régler.
Evidemment, il
n’est pas facile de résoudre les problèmes de développement pour des pays dont
la population va doubler en 25 ans. En 2050, la RDC comptera 200 millions
d’habitants, soit autant que la France, l’Allemagne et l’Espagne réunies, le
Cameroun près de 50 millions d’habitants et le Congo-Brazza près de dix
millions d’habitants. Comment créer des emplois en nombre suffisant dans ces
conditions ? Alors que la société numérique ne cesse de réduire les
besoins en main d’œuvre en les orientant vers des niches d’hypercompétence et
de spécialisation. Comment doter ces pays des nouvelles infrastructures nécessaires
en matière d’enseignement ou d’hôpitaux ? Le défi est immense et les
risques d’échec tout autant.
A l’IFCAD, on est
conscient de ces difficultés et de la complexité de ce grand continent avec
lequel plusieurs pays européens partagent une histoire commune -parfois
douloureuse- et entretiennent de multiples liens culturels et économiques dont
l’IFCAD est un exemple.
Cette situation
géopolitique n’est certes pas facile et on peut regretter que l’Afrique peine à
prendre son destin en mains et que l’Europe, empêtrée dans ses contradictions issues
de l’histoire coloniale, soit trop souvent en retrait. On est également
conscient que d’autres acteurs importants, comme la Chine ou la Russie, sont
particulièrement intéressés par les richesses africaines et souhaitent éloigner
le continent de ses partenaires historiques. Cela étant, ces deux nouveaux
partenaires affichent bien souvent une rapacité importante souvent proche du
pillage. Les accords passés entre la Chine et la RDC ne sont guère gagnant-gagnant
et ne permettent pas une exploitation équilibrée des ressources naturelles.
Or, c’est bien dans
un ensemble euro-africain que l’avenir de l’Europe et de l’Afrique se
joue, à côté d’un ensemble asiatique et d’un autre américain.
III. Le développement durable
Mais c’est au
niveau écologique que se joue également l’avenir de l’Afrique. Au moment où les
Européens sont de plus en plus vigilants sur leur nourriture et prennent la
direction vers une agriculture respectueuse de l’environnement et moins
utilisatrice de pesticides, l’Afrique reste très dépendante des intrants
chimiques et n’hésite pas à sacrifier de larges surfaces de forêts pour y
implanter des cultures d’huile de palme. De même, à un moment où l’Europe est de
plus en plus concernée par le développement durable et la réduction des
déchets, les grandes villes africaines continuent de brûler leurs déchets à
ciel ouvert ou, pire de les déverser dans les fleuves. Le développement facile
sans contrainte est une illusion à court terme et ne permettra pas un réel
décollage de l’économie africaine.
Enfin, l’Afrique
détient un patrimoine remarquable et inestimable : celui de la nature.
Ses forêts, ses animaux sont exceptionnels et constituent une immense richesse
dont les habitants, souvent confrontés aux problèmes quotidiens, ne prennent
que rarement conscience. Ce patrimoine doit être préservé et permettra surement
l’émergence de compétences dans différents domaines liés au milieu naturel et à
sa protection et le développement d’un tourisme de qualité. Il est temps que
les gouvernements africains en prennent conscience et placent la protection du
patrimoine naturel dans leurs objectifs prioritaires.
IV. Le français
Je me plais souvent
à rappeler que le maintien du français comme langue mondiale et internationale
se joue en Afrique dont le français est une des trois grandes langues avec
l’arabe et l’anglais. Rappelons que Madagascar, qui avait opté pour l’instauration
de deux langues officielles, le français et l’anglais, à côté du malgache, est
revenu sur cette décision et la nouvelle Constitution ne maintient plus que le
français, à côté du malgache. Le Rwanda a fait sa rentrée dans l’Organisation
internationale de la Francophonie et parait redécouvrir le français d’autant
que sa nouvelle secrétaire générale est rwandaise. Le français réaffirme donc
sa présence dans la région des Grands lacs.
Rappelons aussi que
la Guinée Bissau lusophone et la Guinée équatoriale hispanophone, enclavées
dans l’Afrique francophone, sont membres de l’OIF et appartiennent à la zone du
franc CFA et que la Guinée équatoriale a fait du français une de ses langues
officielles.
.
Rappelons encore
que les trois pays du Maghreb et surtout deux d’entre eux, la Tunisie et
l’Algérie, après avoir relégué le français dans un statut de langue étrangère
et après avoir procédé à une arabisation forcée et systématique, paraissent
revenir sur des postions plus nuancées : c’est ainsi que le français
revient dans les études primaires en Algérie, le pays le plus francophone du
nord de l’Afrique.
La moitié de
l’Afrique est sous influence de la langue française, qu’elle soit une langue
officielle ou qu’elle soit une langue largement parlée et connue comme en
Algérie, en Tunisie et au Maroc. Mieux, ce sont souvent les pays d’Afrique qui
sont les plus ardents défenseurs de la Francophonie dans les enceintes
internationales et qui contraignent la Chine à tenir compte de la dimension
francophone de l’Afrique et à organiser ses sommets sino-africains en français
et en anglais. Cette position doit être rappelée au moment où les pays
francophones d’Europe font preuve d’une grande timidité devant l’anglais.
Malheureusement les
derniers évènements au Sahel et une attitude plus que maladroite du président
français au Niger ont poussé le Burkina et le Mali à rétrograder en quelque
sorte le français de son statut de langue officielle à un statut de langue de
travail. Pis, au Burkina l’anglais est devenu une langue de travail, sur le
même pied que le français. Même si dans ces différents pays, le français
n’était parlé que par 10 à 15 % pourcents de la population, le recul est quand même
préoccupant. Si la position du français dans les autres pays africains n’est
pas menacée, on peut relever cependant d’autres signes inquiétants comme
l’adhésion du Gabon et du Togo au Commonwealth.
Par ailleurs, le
français s’efface de plus en plus devant l’anglais dans l’Union européenne, ce
qui fragilise bien évidemment sa position vis-à-vis de l’Afrique.
La vigilance
s’impose donc : le maintien d’une langue n’est jamais acquis, a fortiori
si sa diffusion dans la population est faible, si elle n’est pas soutenue par
des mesures politiques de défense et de promotion.
Les pays
francophones d’Europe et d’Amérique doivent également prendre leurs responsabilités
en soutenant l’apprentissage du français sur place par l’envoi d’enseignants.
Parler une langue
internationale est un énorme atout car cette langue véhicule de multiples valeurs
et permet aussi une large communication. Il faut donc être particulièrement vigilant
sur cet atout et ne pas permettre à d’autres de le confisquer ou de l’amoindrir.
Comment ne pas déplorer le processus d’acculturation de l’Union européenne qui
parait systématiquement privilégier l’anglais, ou ce qui y ressemble, alors que
cette langue, depuis le départ du Royaume-Uni, n’est parlée en Europe que par
cinq millions d’habitants dans deux pays, Malte et l’Irlande ?
C’est grâce à ce
souffle et à cette présence dans le monde que le français s’impose comme langue
mondiale et que l’enseignement du français est aussi important. Rappelons que
le français est la deuxième langue étrangère enseignée dans le monde. La
réussite des deux écoles de l’IFCAD est évidemment intimement liée au statut du
français dans l’histoire et dans le monde.
Voilà les quelques
réflexions que je voulais faire devant nos amis africains.
•
Pour clore mon intervention, je voudrais remercier
particulièrement :
▪ Mme Muriel VANDERBEEK, M. Cédric DARTOIS, M. Jean-François
GOOSSE, M. Adalbert MULUMBA, administrateurs, et le président M. Bernard
CLARINVAL, pour le travail qu’ils accomplissent au sein du CA et pour le
soutien sans faille qu’ils apportent au projet de l’IFCAD ;
▪ M. Eric TCHUESSA qui assume ses fonctions avec efficacité et
disponibilité ; je salue ici son sens de l’accueil et son sens de
l’aboutissement des affaires ;
▪ et naturellement, l’ensemble des chargés de cours.
Pour terminer, je vous souhaite à tous une bonne et heureuse année 2024.
Michel LEGRAND
Administrateur délégué